L'année 2010 a vu, de façon inattendue, évoluer le
« dialogue littéraire » entre Pierre Jourde et nous, puisque nous
sommes passés, en quelques mois, de l'invective à l’échange qui suit, qu’on a
pu lire, vers la fin 2010, sur un site dédié à la littérature. Nous reproduisons ici une partie du fil des commentaires de son
article qu’on pourra lire ici : http://bibliobs.nouvelobs.com/blog/pierre-jourde/20101029/22161/de-la-boxe Par
R.C. Vaudey 02H21 30/10/2010 Terriblement sensualiste. Monsieur, Terriblement sensualiste, telle est la première
réflexion qui m'est venue à la lecture de votre texte, et particulièrement de
sa dernière partie. (Ce qui n'étonnera que ceux qui ignorent ce que nous
entendons par ce mot.) Nous avions découvert votre blog, cet été, parce
que vous y aviez fait, il y a quelque temps de cela, une méchante allusion au
Manifeste sensualiste, et que cela nous était, par Google, revenu. Des sensualistes sont venus, ici même, régler ce
différend : n'en parlons plus. Aujourd'hui c'est au Grand Mamamouchi
Sensualiste en personne – puisque c'est ainsi que vous aimez à me moquer –
que vous avez droit. Je vous avais pris pour un vrai butor (vous vous
qualifiez vous-même de bourrin…) et je l'avais écrit. Je découvre que vous
êtes un homme sensible à la seule chose qui m'intéresse : la grâce. Et un des rares qui ose en parler. Je me propose donc de vous faire ce texte pour
développer cette question de la grâce que vous envisagez dans la dernière
partie du vôtre. Il n'appellera pas nécessairement de réponse de
votre part. Puisque je devrai parler beaucoup des thèses
sensualistes, je comprendrais parfaitement que vous le retiriez du fil des
commentaires, bien que je pense que vous ne le ferez pas puisque vous avez eu
l'élégance de maintenir, cet été, les « posts », plutôt polémiques, des
sensualistes qui voulaient ne pas laisser sans réponse ce que nous
considérions comme des propos insultants. Je ne me propose pas de vous insulter ni de vous
rabaisser de quelque façon que ce soit : le monde me paraît assez plein – et
particulièrement le monde virtuel – de combats de coqs, de déversements de
fiel qu’un certain public semble appeler de ses vœux. Et puis, nous pourrons
toujours y revenir à une prochaine occasion. Afin de rester concentré sur le point qui nous
intéresse, j'essaierai également d'éviter les travers qui sont les miens :
l'immodestie, les propos alambiqués ou volontairement obscurs, les attaques
frontales contre les uns et les autres. Je vous l’ai dit, vous avez touché à la seule
question qui m'intéresse. J'aurais pu réagir ailleurs. Je le fais, ici,
pour enrichir, ou tout au moins développer, votre propos. Dans le tempo. Cela peut paraître inhabituel, entre auteurs, et
particulièrement entre auteurs qui semblent se manifester leur mépris
réciproque par publications interposées : les habitudes du milieu littéraire
m'indiffèrent. Je trouve intéressante votre tentative de
définition de la grâce : « ce moment où la pensée cesse de vouloir le geste
mais devient le geste même » quoique je trouve le terme de « pensée »
peut-être inapproprié : dans la spontanéité du geste, dans l'enchaînement
plus ou moins lent, plus ou moins violent des mouvements, que devient
vraiment la « pensée » ? Le moment de grâce, ce que j'appelle « le coup
de grâce », à mon sens, marque tout à la fois le moment du dépassement et de
l'accomplissement d'un individu. Sa plus belle et sa plus intense vérité.
Mais aussi une sorte de silence de la pensée et de l’intentionnalité. Vous l'envisagez, dans votre texte, uniquement
dans la forme de l'opposition, du combat. J'y suis sensible. Tout l'art des
budo repose essentiellement sur le mouvement dans la grâce, et tous lui
accordent une importance extrême, tout à fait centrale (beaucoup plus que ne
le font les arts de combat européens où très peu de gens y font référence, ou
seulement de façon anecdotique). De l'art du sabre au aïkido en passant, bien
sûr, par le tir à l'arc, le pratiquant (enfin celui qui y a déjà goûté...)
recherche uniquement ce moment suprême où il s'oublie dans la perfection
jouée du geste. C'est-à-dire, comme vous le soulignez justement, dans la
beauté. C'est ce même moment de la grâce (qui est le vrai but) qui voit aussi
naître le poème, la calligraphie. Face aux outrances mercantiles et nihilistes de
l'art contemporain, j'ai d'ailleurs écrit qu'il ne pouvait y avoir dorénavant
plus qu'un seul art, sensualiste, et je n'ai pas trouvé qu'il pourrait se
nourrir ailleurs ni d'autre chose que de ce « coup de grâce » dont nous
parlons. C'est, en tous les cas, ce qui nourrit mon oeuvre peint. Vous dites le retrouver dans l'écriture de vos
romans. N'étant pas romancier et ne comptant pas parmi vos lecteurs, je ne
saurais en juger. Je vous crois. Pour ma part, je l'expérimente dans le
saisissement poétique et dans son expression : le poème, donc. L'essai ou le
pamphlet s'en nourrissent, évidemment, mais il me semble d'une autre façon,
qui me paraît moins intense. Sensible comme vous semblez l'être à cette
question de la grâce, je m'étonne maintenant que vous n'ayez pas compris à la
lecture du Manifeste sensualiste qu'il s'agissait, il me semble, du seul et
du premier ouvrage où l'auteur envisageait cette question de la grâce non
plus dans l'opposition mais au contraire dans l'accord, non plus dans le
combat mais dans l'épousement. Des sexes opposés. Qui ouvre si bien à la
jouissance du Temps. La boxe n’est pas le lynchage : En opposition à
l'école sadienne qui triomphe partout, qui se manifeste aussi bien dans
l'économisme casinotier effréné que dans la pornographie, en volonté de
prédation, de destruction, d'annihilement, en opposition donc à ce que j'ai
nommé « l'injouissance destructrice » (l'injouissance étant pour moi
l'incapacité d'un individu à l’expérience pratique de la grâce), j'ai
rapporté, en Antésade, en quelque sorte, une aventure à la recherche de la
jouissance poétique de l'abandon aux mouvements des grâces corporelles et
sentimentales partagées, dans l'amour accordé. Qui a dit que les humains étaient condamnés à se
sentir suprêmement vivants, élégants, aisés, uniquement en échangeant soit,
comme vous le dites, des bourre-pifs, soit des invectives, ou en évitant des
coups de sabre ? Entre hommes. Ou seul, sur une planche de surf. Et pourquoi seraient-ils condamnés à devoir
toujours ignorer cette sensation de la grâce là où il semblerait plutôt
naturel de la trouver, c'est-à-dire dans l'accord des puissances et des
délicatesses réciproques et partagées, dans l'amour électif. Et dans l'extase
harmonique. J'ai noté dans un des numéros de notre revue
que, pour ce qui est de la possibilité de la grâce expérimentée en comme-un,
entre sexes opposés, on l'admettait tout de même dans le chant lyrique, dans
le duo, où l'on accepte, généralement, que quelque chose de l'ordre de la
grâce et de l’apothéose, justement, s'élève entre un ténor et une cantatrice,
qui les dépasse et les manifeste tout à la fois, tels qu'ils sont réellement,
c'est-à-dire sublimes. La misère sexuelle, et plus généralement la
misère existentielle, pour nous, c'est là qu'elle se tient : dans
l'incapacité dans laquelle se trouvent les humains, de par la vie qui leur
est faite et qu'ils se font, d'expérimenter « toutes leurs extases et toute leur
poésie ». Ce qu'ils peuvent avoir, individuellement, personnellement,
singulièrement, de gracieux et de sublime. (Ce qui ne tracasse d'ailleurs ni
les dominés ni les dominants, qui, en parfait représentants de la société de
l'injouissance pensent plutôt en termes de taille du gâteau, et taille des
parts du gâteau.) De sorte que, plutôt que d'apprendre à chanter,
ils préfèrent, tout au plus, brailler, en cœur, comme des ivrognes ; plutôt
que d'apprendre l'art du combat, ils préfèrent le lynchage, en meute ; et
plutôt que de rechercher l'extase orgastique, ils préfèrent la mêlée
orgiastique. C'est-à-dire, dans tous les cas, l'indifférencié, la négation de
l'unique, du singulier. Sensualiste a donc deux significations : Pour
finir, vous remarquerez comme moi que partout où se glisse la grâce se glisse
aussi la gentilhommerie : le dernier des vauriens qui pratique le « noble »
art devient un gentleman (de fortune, évidemment). Et, s'il dépasse sa sauvagerie et sa rage
spontanées et fait l'expérience de la grâce dont vous parlez, il devient, à
mes yeux, un sensualiste (qui bien sûr s’ignore) c'est-à-dire quelqu'un qui
par l'aisance qu'il expérimente, par ses sens, par sa « grande santé », donne
le sens du monde. Le justifie. Ainsi, il ne lui manque rien et il sait tout ce
qu'il doit savoir. Tout ce qu'un homme peut savoir. Tout le reste, hors
l'expérience de l'amour dont je parlais plus haut – qui est un autre art,
l’art suprême, l’art à venir – n'étant que du baratin, du vent pour attraper
les buses, puisque, ainsi que l'a écrit l'oncle d’Arthur Cravan, lui-même
poète et boxeur, (que j'améliore ici quelque peu) : « Si un homme est un
gentleman de fortune et un sensualiste, il en sait toujours assez long, et
s'il ne l'est pas, il peut bien savoir tout ce qu'il veut, cela ne peut que
lui nuire. » * Vous devez vous identifier ou créer un compte
pour écrire des commentaires * flag this Fermer Le Commentaire … Par R.C. Vaudey 10H48 30/10/2010 Précisions. Bien sûr, il fallait lire "parfaits
représentants" et "brailler en choeur" dans mon précédent
post. *
Vous devez vous identifier ou créer un compte pour écrire des commentaires * flag this … Fermer Le
Commentaire Par
Stéphane S. (Universitaire) 17H12 01/11/2010 Je pense que vous avez raison et qu'effectivement, tout le monde
s'en fout. Un peu de commisération, cependant : non seulement ce monsieur
subit tout comme nous ce qu'il écrit, mais il revient le lendemain pour le
relire. * Vous devez vous identifier ou créer un
compte pour écrire des commentaires * flag this Fermer Le Commentaire Par
Pierre Jourde (Écrivain) 14H15 02/11/2010 Je tiens à saluer ici l'élégance morale et
intellectuelle de R.C. Vaudey qui se montre capable d'oublier un différent
exprimé en termes, disons, assez vifs, pour discuter honnêtement le contenu
d'une chronique. La chose est assez rare. Par ailleurs, sa riche contribution
est pleine d'intérêt, et j'en retiendrai surtout ce qui est dit sur le chant,
et sur l'opposition entre "noble art" et "école
sadienne". Autre contribution nourrissante, mais cela
devient habituel, celle de Pierre V. S'il ne faisait que susciter de telles
commentaires, ce blog aurait sa raison d'être. Mais je ne partage pas la
qualification de "mystique" pour la grâce et l'inspiration. Rien là
de mystique. Il ne s'agit à mes yeux que d'un certain état mental et physique
à la fois, tel que je tente de le décrire : l'idée n'y est pas séparée du
faire, la conception de l'accomplissement en cours. Un calligraphe chinois
n'est pas exactement un mystique mais il cherche cela, le geste parfait qui
est tout à la fois, et indissolublement, esprit, esprit tout entier fondu
dans le geste. Là encore, il faut beaucoup de pratique pour cela. … … * Vous devez vous identifier ou créer un
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Pierre Jourde (Écrivain) 14H17 02/11/2010 de "tels commentaires", bien sûr, et
non "telles", horreur. * Vous devez vous identifier ou créer un
compte pour écrire des commentaires * flag this Fermer Le Commentaire … Par
R.C. Vaudey 18H31 03/11/2010 À Pierre Jourde. Monsieur ( C’est une très (trop) longue contribution. Je
m’en excuse par avance.) J'imagine que vous avez dû être légèrement
surpris à la lecture de ma première contribution à votre débat, et que vous y
avez, peut-être, cherché l'ombre d'un piège. Il n'y en avait pas. De la même façon, vous comprendrez que je sois
surpris, à mon tour, par votre commentaire, et que je tente d'y déceler, moi
aussi, quelque chausse-trappe. Je vais agir ainsi que vous l'avez fait, en vous
supposant (ce que je crois au fond) de bonne foi. Puisque nous en sommes aux amabilités, vous
comprendrez que, tout en ne pouvant que vous reconnaître de l’élévation de
caractère à accepter le débat avec quelqu'un qui vous a traité aussi durement
que je l'ai fait, nous ne puissions guère plus avancer dans cette voie. La façon dont se terminait votre critique, à
l'époque (je n'ai pas lu les nouvelles versions), laissait penser que je
n'existais pas et qu'une ou deux autres personnes se cachaient derrière mon
nom. Cela m'avait mis dans l'humeur que vous avez lue
mais cela n'a en rien, et ce n'était pas votre but non plus, bouleversé ma
vie. Au fond, vous avez parlé du Manifeste
sensualiste, pour vous en gausser comme c'est le droit de tout critique,
quand beaucoup se sont tus. Mais cette violence qui n'était que littéraire
dans mon cas, a été – et reste, j'imagine – trop violente (comme elle l’est
peut-être pour vous) pour l'existence réelle de quelques rares personnes qui
m'ont soutenu à cette époque dans le milieu littéraire – alors que j'étais, et
que je suis, un parfait irrégulier – pour que nous puissions aller beaucoup
plus loin dans des effusions qui ne semblent, de toute façon, pas être votre
genre. Et qui ne sont pas le mien, non plus. (Je pense bien entendu à Mme Savigneau qui ne
m'a jamais rencontré mais qui avait écrit un papier plutôt primesautier
(j'entends déjà les commentaires...) sur mon livre. Pour Philippe Sollers,
dont je sais, bien sûr – j’étais, déjà à 19 ans, un farouche debordiste –
tout le mal qu’il faut en penser mais sans lequel mon beau génie serait
entièrement méconnu, il est quant à lui parfaitement et vraisemblablement
insensible à toutes formes d'attaques. Un homme qui sait se recueillir peut
tout supporter du monde. Vous me permettrez ainsi (après ces préambules
qui doivent ennuyer vos lecteurs mais que certains comprendront) de garder
une certaine réserve, tout en continuant, si vous le voulez, à alimenter
cette discussion qui me paraît particulièrement intéressante. J'aimerais apporter quelques précisions à votre
propos, qui, dans ce que vous écriviez à Pierre V, me laisse penser que nous
sommes parfaitement d'accord sur beaucoup de points, et, peut-être, vous
faire une ou deux suggestions dont vous ferez bien entendu ce qu'il vous
plaira. J’aimerais encore – quoique vous l'ayez déjà
aimablement fait en partie en simulant ce « quelles » afin de pouvoir y
apporter, vous aussi, une correction – nettoyer encore un peu la table autour
de laquelle nous discutons maintenant. Je voudrais dire tout d'abord que je ne trouve
pas bon que des universitaires, qui sont censés éduquer les jeunes
générations, se permettent, tels de mauvais enfants, de cracher sur les
passants, considérables ou pas, sous prétexte qu'ils s'ennuient ou qu'ils
croient qu'on ne les prendra pas. Que pourront-ils dire lorsque de jeunes
étudiants sensualistes (s’il y en a), et que je n'approuverai pas, viendront
perturber leur cours ou leur jeter des tomates, comme le faisaient avant eux
d’autres jeunes idéalistes qui se réclamaient de tel ou tel ? De quoi pourront-ils se plaindre, le jour où une
bande de jeunes gens désœuvrés s'amusera à les tabasser, plus ou moins à
mort, au simple prétexte qu'ils passaient par là, que c'était facile et
qu'ils croyaient qu'on ne les prendrait pas ? Suis-je chez eux ? Ai-je seulement photographié
leur lampadaire ? Même pas ! Mais ils se lâchent tout de même (et « lâches
tout de même » leur va bien). Eh bien, Messieurs, tenez-vous ! Je dis que si l'on croit un commentaire
ennuyeux, il suffit de ne pas le lire et qu'il ne sert à rien de faire dans
la dénégation fielleuse en prétendant que l'on s’en fout, mais avec
commisération. Lorsque l'on se fout d’un commentaire, on ne
prend pas le temps de taper son nom, son adresse e-mail et son code secret,
et de l'écrire. Et si l'on prétend le contraire, on pratique la
dénégation pour le plaisir d’occuper l’espace, et on ne peut pas penser que
les lecteurs de ce blog ne savent pas reconnaître la dénégation. Sauf à
vouloir prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages. Quant au plaisir de faire le mal pour le plaisir
de faire le malin, d'être fielleux pour le plaisir d’être fielleux, cette
tendance sadienne dont je parlais plus haut, qui se débonde tout à fait dans
notre époque, je viens de dire tout ce que l'on peut en craindre ou en
attendre. Puisque nous le voyons tous les jours. Il convient donc que des hommes faits ne
s'adonnent pas à ces plaisirs mauvais, au moins en public (il est aujourd'hui
assez d’autres lieux pour cela), mais plutôt qu'ils donnent l'exemple de la
retenue. Il convient également que, lorsque leur violence doit s'exercer, ils
l’exercent avec art, et qu’elle soit justifiée : c'est ce que nous essayons
de faire ici avec P. Jourde. Enfin, il convient de montrer, également, qu'il
n'y a pas de haine, aussi justifiée soit-elle par ailleurs, qui ne puisse
être dépassée lorsqu'il s'agit de mettre en avant le peu de beauté que l'on
peut apercevoir encore dans ce monde dévasté. Et cela, afin que cette beauté
s’y développe. J'ai dit, ailleurs, qu'à mon sens, c'est le seul jeu qui,
perdu ou gagné d'avance, peu importe, vaut, pour un gentleman, la peine
d'être joué. Revenons donc à la beauté. Pour développer ce que disait Pierre Jourde dans
sa dernière intervention il me semble qu'il faudrait préciser que toutes les
combinaisons qui se forment heureusement, de façon spontanée en quelque
sorte, et qui nous donnent cette impression qu'une grâce subitement,
physiquement ou intellectuellement, nous possède et nous permet de réaliser,
sans même y penser, telle ou telle action, telle ou telle œuvre, ne se valent
pas. Et que, par exemple, l'idée de génie d’un
tortionnaire couchant sur le papier, tout en se sentant habité par une
inspiration sublime et le dépassant, des projets monstrueux, ou, plus
simplement, un bon mot assassin « qui nous vient » dans l'exaltation,
alcoolisée ou non, ne peuvent se comparer à ce qui se produit dans la
non-intentionnalité, justement parce que l'époque que nous vivons, selon moi,
doit dépasser cette veine sadienne, nihiliste, destructrice et
autodestructrice, qu’elle accomplit, qui l’a défait, et nous et le monde
avec. Reconnaissons à la grâce qu'elle est un apogée
et une forme d'apothéose. Reconnaissons qu’elle est pour nous, dans ses
manifestations les plus intenses, l'expérience et le moment vécu du sublime,
et qu'elle nous est toujours « offerte. » Qu'on la considère, de façon pragmatique, et un
peu mécaniste à mon sens, comme la simple combinaison du fonctionnement
parfait de nos muscles, de nos organes, de notre cerveau et du monde qui nous
contient à un instant précis, importe finalement assez peu, et je pense que
personne ici ne sous-entendait une forme ou une autre d'inspiration divine,
ni même, pour le dire autrement, une intervention de la Providence que Hegel,
qui l’appelait l'Esprit du Monde, voyait sous la forme d'un fier Corse (ne le
sont-ils pas tous ?), à cheval, à Iéna. Il me semble que nous parlions tous de la grâce
de l'immanence. Ce qui ne nous empêchait pas de nous en
émerveiller ; divinement. Cette grâce de l'immanence, elle s'associe, et
P. Jourde l'a spontanément noté, à l'impression du merveilleux, du sublime et
de la beauté. Il y a, peut-être, des natures qui sont absolument insensibles
à ces sentiments. Pourquoi pas ? On peut se demander en quoi consiste ce dépassement
de la veine sadienne dont je parlais, de ce nihilisme, de cette rage
annihilatrice, dans la gestion des affaires du monde, dans l'amour ou dans le
combat. J'ai parlé dans un numéro de notre revue (dont on peut lire en ligne,
si on a le « Flash player » tout à fait approprié à notre discussion,
l’extrait en question) de « principe de délicatesse et de noblesse ». http://www.avantgardesensualiste.com/edito4-1.htm Dans cet esprit, le but supérieur du combat
serait non pas d'anéantir l’adversaire, mais d'inspirer le sentiment de
l'inutilité du combat : par le respect ; car il s'agit, dans cet esprit, non
pas de vaincre mais d’élever. De sauver et d’ennoblir l'autre, donc le monde,
et nous avec, dans le même temps ; et non de détruire. De faire, avec l’autre, l'expérience d’une forme
de présence supérieure au monde et à soi-même. C'est le dépassement de la voie sadienne. On pourrait trouver des exemples de cette forme
particulière de la recherche de l’harmonie dans l’histoire du chant ou de la
musique où des personnalités puissantes peuvent d’abord s’affronter, et
ensuite se couler et se dépasser dans le rythme et dans le mouvement. Dans les arts japonais du combat, on sait qu’un
maître de l’art du sabre ayant entendu parler de Ueshiba, le fondateur de
l’aïkido, lui rendit visite, voulant éprouver son art. Ueshiba lui demanda de
l'attaquer avec son sabre. Après avoir frappé longtemps dans le vide sans
jamais pouvoir l’atteindre, le maître d’armes finit par lui demander de
l'accepter comme élève. Sans connaître beaucoup la boxe, il me semble
que quelqu'un comme Cassius Clay aurait pu dominer un adversaire sans le
détruire. « Décourager » sa rage tout en l'amenant à reconnaître, et à
connaître, une forme supérieure de la boxe. Si ce n’est qu'à la fin, il me
semble, il en faisait trop dans la provocation, et il gâchait sa grâce. Pour m'amuser, j'ai relu le Manifeste. À la
maintenant célèbre page 99, si on excepte les premières lignes, on peut
parfaitement transformer ce que j'ai dit de l'amour, en parlant de la danse,
du chant, de la calligraphie. Pour la boxe cela donnerait cela : « La boxe
cessera d'être cet exutoire de misères, ce défoulement d'angoisse, de haine
et de rage, ravalées ailleurs, de ce vide humain qu'elles créent. Débarrassé
de sa souffrance refoulée, le manque d'amour, le manque de respect enfin
exprimés, l'inconscient enfin libéré, la conscience enfin profondément
ramifiée, éclairée, le boxeur pourra transformer son art en un art courtois,
raffiné etc. » « Le boxeur est beau, primitif avec élégance et
avec cœur c'est un dieu (on peut dire d’ailleurs d’un boxeur : il boxe comme
un dieu). » Je n'irai pas cependant jusqu'à dire que la boxe
est une histoire d'amour. Des deux suggestions que je pourrais faire à
Pierre Jourde, et puisqu'il aime écrire des romans dans lesquels il semble
cependant que certains lui reprochent de peindre et de reproduire plutôt la
misère et la difficulté de vivre qu’autre chose, la première serait celle-ci
: puisqu'il connaît le monde de la boxe, et qu'il doit bien pouvoir y trouver
des exemples de cela, il pourrait nous montrer, dans un roman, comment un
individu, même très défavorisé au départ, peut, grâce à l'exemple de ses
maîtres, par les voyages qu'il peut faire et les gens qu'il est amené à
rencontrer par la boxe etc. dépasser en partie sa haine et sa rage,
comprendre, en partie, ce qui le motive inconsciemment, et comment, la conscience
enfin, en partie, libérée, éclairée, il peut faire cette expérience de la
beauté et de la grâce de l'immanence, et dépasser sa simple rage destructrice
ou autodestructrice initiale. Ce serait peut-être un peu le monde de la boxe
(amateur, bien sûr) tel qu’il devrait être mais, bien fait, c’est-à-dire plus
subtilement que je le propose ici, cela pourrait – et c'est ma deuxième
suggestion – lui permettre, puisque son statut d'écrivain et son age doivent
lui assurer un certain respect dans cet univers particulier, d'influencer
intellectuellement le « Noble Art », afin qu'au-delà des simples
considérations de dépassement de la misère caractérielle ou matérielle
immédiate, il puisse aussi offrir une possibilité de dépassement de la misère
poétique. Et cela, P. Jourde pourrait le faire en mettant
en avant cette expérience, dans cet « art », de la beauté et de la grâce dont
il a lui-même parlé, le premier. Le rôle du poète, et peut-être de l’écrivain,
est de montrer et de rappeler ce que l’on peut chercher et trouver. Autrement, les amants ou les boxeurs, ne
sachant, le plus souvent, pas mettre des mots sur ce qu’ils vivent, le
laissent faner, ou surtout, trop peu sûrs d’eux, le laissent filer. Les poètes donnent la carte et l’assurance. La
carte au trésor. Nous vous donnons, Madame, Mademoiselle, Monsieur,
l’assurance etc. Voilà ce à quoi nous servons. Il y a peu d'écrivains qui pratiquent la boxe.
Cravan, en pleine Première Guerre mondiale et trop fantasque, n'aurait pas pu
faire cela. C'est peut-être quelque chose qui lui revient (à P. Jourde).
C'est quelque chose que, de toute façon, peu de gens pourraient lui disputer. Et puis, ennoblir un sport et ceux qui le
pratiquent, par un écrit, alors même qu'il s'agit déjà du « Noble Art » ne
pourrait pas lui valoir une plus mauvaise réputation que celle qu’il s'est
faite, selon ses propres dires, comme satiriste. Ce serait, dans tous les cas, une bonne action. Mais, bien sûr, je suggère, j’invite, j’évoque
seulement. J’achèterais bien entendu le livre s’il paraît
un jour. Nous, on le sait, nous tâchons d’ennoblir les
rapports sentimentaux et amoureux entre les hommes et les femmes. L’idée de
l’amour. Mais c'est une idée (celle de la grâce de (et
dans) l'amour) qui passe pour encore plus « ridicule » aux yeux de cette époque
déconstruite et en ruines, que celle de l'idée de la grâce dans le sport ou
ailleurs. On peut s'en étonner mais c'est ainsi. » * Vous devez vous identifier ou créer un
compte pour écrire des commentaires * flag this Fermer Le Commentaire … Par
Stéphane S. (Universitaire) 22H25 03/11/2010 Ouh là, ouh là, 38 lignes exclusivement
consacrées à un malheureux homme de paille, et tout ça pour un commentaire de
quelques mots ! Cette fureur outragée surprend de la part de quelqu'un qui
est capable d'attaques aussi sales que celles que vous nous avez parfois
donné l'occasion de lire. Reprenons : rien de ce que j'ai pu lire de vous
ne m'a jamais intéressé, MAIS, étant donné que je vous respecte à priori en
tant qu'être humain, je lis aussi vos commentaires. Pensez aussi que si toute
critique qui vous était adressée par internet était l'oeuvre d'un méprisable
petit être qui, à l'abri derrière son écran, se permettait toutes les
bassesses, vous en verriez de plus vertes et de moins mûres. Enfin : j'ai pensé, très personnellement, que la
réponse la mieux adaptée à votre grandiloquence était une simplicité potache.
Vous seriez tellement plus agréable à écouter si vous n'en rajoutiez pas tant
dans l'emphase et la paraphrase ! Et vos errata, qui ont suscité les
commentaires qui vous ont à ce point révolté, me semblaient représenter la
quintessence de tout cela. Et, s'il vous plaît, laissez cet homme de paille
tranquille, il ne vous a rien fait. Que de raccourcis ! On n'attend plus que
la "reductio ad Hitlerum". Si vous êtes d'accord, nous ne gaspillerons pas
beaucoup plus de papier virtuel là-dessus. Je suis désolé si vous avez
considéré que mes propos étaient d'une violence qui dépassait les bornes.
Personnellement, et je peux me tromper, je ne pense pas que ce soit le cas,
et je serais déçu d'apprendre que c'est là qu'elles se trouvent. Sur ce, je
m'écarte afin de laisser reprendre le débat. » * Vous devez vous identifier ou créer un
compte pour écrire des commentaires * flag this Fermer Le Commentaire … Par
R.C. Vaudey 23H54 03/11/2010 À M. Stéphane S. Je vous À M. Stéphane S. Je vous remercie de votre commentaire. Il me
permet d'ajouter cette précision : j'ai effectivement hésité à intégrer ce
paragraphe dans ce post, et je dois dire que je l'ai maintenu parce que dans
le mouvement du texte que je venais de finir et que je n'avais pas le courage
de reprendre, il me permettait de dénoncer un danger bien réel de l'époque
(en exagérant, je le reconnais, la violence de votre « commentaire potache »,
comme vous le décrivez vous-même). J'ai regretté de « l'instrumentaliser » ainsi,
simplement pour amener la suite de ma réflexion, particulièrement dans un
texte qui prône l'élévation et non la bassesse. Cependant, pas plus que je ne considère que vous
avez dépassé les bornes, je ne considère cet effet de manche, si vous voulez
bien me passer l'expression, comme le comble de la bassesse. Ce n'était pas
très élégant de ma part. J'en avais des regrets. Je vous les exprime. De votre côté, je pense que « sales » a dépassé
votre pensée. Que ce soit le cas ou non, restons-en là, si vous le voulez
bien, car je me rends bien compte que, comme l'a fait remarquer M. Rossi,
tout cela est un peu lourd et occupe exagérément ce blog. Pour ma part, je ne verrais pas d'inconvénient à
ce que Pierre Jourde supprime de cette discussion mes commentaires, après en
avoir pris connaissance, puisque, enfin, c’est à lui, principalement, que je
m’adressais. * Vous devez vous identifier ou créer un
compte pour écrire des commentaires * flag this Fermer Le Commentaire Puis, plus tard, à l’occasion
d’un autre article, d’un journaliste cette fois, illustrant la misère dont on
parle plus haut, et comme pour éclairer la façon dont on peut
ennoblir l’amour par un écrit, lui-même conséquence d’un moment de grâce amoureuse… 04h12 30/11/2010 Plus mauvaise scène de sexe. (Extrait prosifié du Journal d’Un Libertin Idyllique (Anonyme) ; Poésies de l’époque des Thang, traduites du chinois et commentées par le Marquis d'Hervey-Saint-Denys.) « Ondulante, lente, reptile, subtile, vous me constrictez dans une merveilleuse danse qui nous mène, éperdus, abandonnés… moi, en extase, les bras derrière la tête, croisés. A
genoux derrière vous, les yeux à demi clos, j’entrevois seulement le
merveilleux du monde comme un soleil qui pénètre notre chambre par les
rideaux à demi fermés. Dans
cette transe, ardente, jouissante, abandonnée, vous êtes pour moi le miracle
de la féminité, et j’amplifie, sans y penser, vos ondulations savantes,
lascives, ferventes et inspirées, de cette même grâce d’abandon lascif,
ardent, chaloupé qu’en moi vous provoquez. Tous
ces beaux mouvements de l’amour qui se provoquent et se répondent dans la
délicatesse et la puissance d’autorité composent à ce moment le plus
extatique duo que nous ayons jamais formé. Subtile, tactile, ondulante, lente, profondément pénétrée de cette ardeur, sensible, gourmande, savante, extasiée que je vous rends dans le caressement spontané que vous faites en moi danser, nous jouissons longtemps – tout savourant, immodérés – du miracle de la pure sensation et de la sensation du pur miracle. Ce qui est très particulier. Subtile,
tactile, ondulante, lente, savante, abandonnée, en transe, aimante, débordée,
vous jouissez, rugissante, du miracle d’aimer… Et nous tonnons, en chœur et
de toute notre âme, dans l’absolu silence du monde – ici absolument
tendrement ensoleillé d’automne – de notre infinie puissance d’exister. Mais vous, quel miracle m’a fait vous rencontrer ? Vous, si tendre, si puissante, si puissamment à la grâce du monde abandonnée ? » * Vous devez vous identifier ou créer un compte
pour écrire des commentaires * flag this Fermer Le Commentaire
Par Chateaubriand 22H34 07/07/2010 Pour rire, entre amis, cet Pour rire, entre amis, cet été, on pourra toujours relire la correction infligée par R.C Vaudey à Pierre Jourde après sa "critique" du Manifeste sensualiste: http://www.avantgardesensualiste.com/jourde2010.htm ou dans le numéro 87 de la revue L'Infini http://livre.fnac.com/a1550782/Collectif-L-Infini?Fr=0&To=0&Nu=2&from=1&... Le Clézio en rit encore ! » * Vous devez vous identifier ou créer un compte pour écrire des commentaires * flag this .. .. .. Fermer Le Commentaire Par Pierre Jourde (Écrivain) 16H07 08/07/2010 Quelques réponses en Quelques réponses en vrac. Comme d'habitude, le commentaire de Pierre V. est passionnant, mais je ne partage pas ses conclusions. L'essentialisme ne disparaît pas en changeant les mots. Il change de masque, et c'est tout ce que je reproche à ces manies euphémisantes. La dérobade. Reste que le terme "francophone" est discutable, je l'ai reconnu moi-même, et l'anecdote de TM est assez savoureuse à cet égard ! Vous l'aurez remarqué, le ton de cette chronique est mesuré, et dépourvu de haine. Je continue à m'étonner de la haine sécrétée par quelques contributeurs insultants. Leur courage est à la mesure de leur anonymat. En ce qui concerne mon ego, en me qualifiant de "petit romancier", je ne vais guère dans ce sens. Fausse modestie ? va savoir. Il faut, en effet, lire le "Manifeste sensualiste", un des ouvrages les plus drôles, (involontairement) que j'aie jamais lus. Comme des amoureux de l'amour ont répondu à une critique amusée d'une page par des torrents d'injures personnelles incroyablement haineuses (curieux quand on aime autant l'amour), je me contenterai de reproduire ici le commentaire que j'en ai fait dans "Littérature monstre" : Je me suis avisé, avec quatre années de retard, que le fameux R. C. Vaudey avait répondu, dans « L'Infini » n° 87, de mai 2004, à l'article ci-dessus, qui occupait deux tiers de page dans La Quinzaine littéraire (on l'a un peu étendu ici afin de mieux goûter les beautés de style des sensualistes). Le texte de sa réponse tient en douze pages, interligne simple, petits caractères. C'est dire l'importance accordée par le prophète sensualiste aux critiques dont ses oeuvres peuvent faire l'objet. On mesure mieux cette importance lorsque l'on s'aperçoit que cette réponse constitue l'une des trois publications des Sensualistes, avec le Manifeste et une sorte de poème programmatique. R. C. Vaudey intitule ce texte, dont le niveau honore la revue « L'Infini » : « La bourde ou la fixation hallucinée ». (L'excellent jeu de mot Bourde-Jourde figure aussi dans L'Etoile des amants de Philippe Sollers). Il n'y emploie pas exactement le même ton que dans son Manifeste. Il serait long de reprendre par le détail les arguments développés par le Grand Mamamouchi Sensualiste. Qu'il suffise de signaler qu'ils sont irréfutables, et même écrasants. R. C. Vaudey le déclare lui-même, se félicite de la « petite correction » infligée à l'adversaire, tout en se congratulant pour ses « belles phrases » et plus généralement pour l'excellence de sa prose : « un grand livre », « éblouissant », « je suis un inventeur bien autrement méritant que ceux qui m'ont précédé », « un musicien qui ai trouvé quelque chose comme la clé de l'amour », « donne le sens de ce long travail d'émancipation de l'Homme, engagé par notre propre culture », « analyse de l'aliénation beaucoup plus subtile que le programme de Marx ». S'il y a un esprit particulier à la revue « L'Infini » et à ceux qui y publient, sans doute faut-il le chercher là. Philippe Sollers, R. C. Vaudey, Yannick Haenel, François Meyronnis, Frédéric Badré sont des spécialistes de l'autocongratulation, qui aiment à se complimenter des triomphes sans nombre qu'ils s'accordent. Pour le reste, R. C. Vaudey écrase, à juste titre, la bête immonde. Jourde et ses pareils sont ainsi qualifiés dans son article vengeur : vieux bidons, pleurnichards et dépressifs, polluants, petits cadres ne sachant que penser et vivre selon les modèles fondamentaux de la société dominante, existence de fonctionnaire, ils s'ennuient avec leur femme, engeance, misère caractérielle, mentalité de singe dominé, désespéré de comptoir, bêtise, malheur très bête, malheureux second couteau désarmé tant théoriquement qu'existentiellement, délire, burlesque butor, le malheureux, dans sa lointaine province déshéritée, jobard, gourde, foutriquet, remplaçant-pendant-les-vacances, stagiaire, comme un manche, petite taupe aveuglée et grise, malheureux échotier impuissant, l'aigreur et la haine l'égarent, sec, lourdement dépourvu d'esprit, mort-vivant, vachette folle, grosses galoches, matamores, extravagants du stylo, déprimés du clavier, comprimés en leurs plans d'épargne et leurs plans de carrière, sectateurs de l'idéologie mafieuse, peines-à-jouir-à-peine, balourd, malheureux, mort. Ce n'est pas exactement ce qu'on peut appeler un « chant d'amour langoureux ». Inutile de chercher à répliquer lorsqu'on s'est fait si brillamment clouer le bec, et sans recours aux arguments ad hominem. Amour de l'humanité, d'accord, mais pas pour les stagiaires et les remplaçants (les stagiaires, d'ailleurs, sont-ils tout à fait humains ?) Les sensualistes ne rigolent pas avec le respect qui leur est dû. Les gardes rouges étaient des enfants de chour de l'invective à côté de ça. En cela, les sensualistes participent d'une tendance lourde de l'attitude actuelle de l'artiste critiqué sur ses ouvres, qui consiste à s'en prendre à la personne et à la femme du critique. R. C. Vaudey a raison : l'homoncule sordide qui écrit ces lignes « manque de sens de l'humour », sens si abondamment développé, en revanche, chez les sensualistes, comme le montre leur réponse. En outre, le stagiaire doit bien le confesser, non seulement il s'ennuie avec sa femme, mais il est chauve et bedonnant, elle est laide et frustrée, elle porte des bigoudis et une douillette rose, ses enfants sont tarés, sa mère fait ses courses à Auchan en survêtements, ses ancêtres étaient syphilitiques et bossus, il n'a qu'un emploi à temps partiel et la sécurité sociale. Pour ne rien arranger, s'il faut en croire Josyane Savigneau, autre amie de Philippe Sollers, il est un homosexuel haineux infecté par le sida. Est-il besoin d'en dire plus ? La cause est entendue. C'est donc penaud et vaincu qu'il assiste, grisâtre petit cadre impuissant et peine à jouir, réprouvé, stipendié de la marchandisation, au triomphe solaire du sensualisme. Vous le voyez, lecteurs de ce blog, les sensualistes sont des gens amusants et sympathiques, comme le dit "Chateaubriand". Quant aux injures personnelles comme toute réponse à l'exercice mesuré de la critique, cela fait quelques années que j'en ai pris l'habitude. » * Vous devez vous identifier ou créer un compte pour écrire des commentaires * flag this . . . Fermer Le Commentaire Par Chateaubriand 18H25 10/07/2010 Le Manifeste sensualiste est Le Manifeste sensualiste est un livre éblouissant. C'est un fait. Mais chacun ayant en ce moment des lunettes de soleil sur le nez ou sous la main, c'est le bon moment de le lire. Et de pratiquer l'art auquel il invite. Vos jeunes enfants jouent. Votre femme est belle. Nécessairement. Pourquoi ne pas aimer l'amour ? Pourquoi ne pas tenter avec elle "l'accord des puissances et des délicatesses réciproques et partagées" ? Pourquoi ne pas vous abandonner à "l'extase harmonique et à l'ouverture poétique au monde qui la suit" ? Et que R.C. Vaudey célèbre dans son Manifeste. Qu'avez-vous à perdre à vous y essayer ? De toute façon, vos retraites ne vous seront pas versées ou, si elles le sont, ce sera à la façon dont on en verse aux fonctionnaires de l'ex-URSS, en ce moment. Dans quinze ans, vos enfants, si charmants, se feront transformer, par la chirurgie esthétique ou les manipulations génétiques, en hybride d'alien et d'ours blanc ou en tout autre chose, selon la mode "sexuelle" et "ludique" du moment. (Hypothèse 1 : victoire du Spectacle.) A moins qu'ils n'entonnent, kalachnikov à la main, un autre genre d'Hymne à l'Amour : façon Dutronc-Gainsbourg. (Hypothèse 2 : dissolution du Spectacle.) Quant à l'hypothèse 3 : cette sensualisation et cette humanisation des hommes et du monde dont parle le Manifeste sensualiste (qui traite de sujets, comme on peut le lire, en effet très drôles...) qui peut y croire vraiment... Je suis Vaudey dans son éloge de la rencontre et de l'abandon poétique à l'autre et au monde ; ses développements sur la "poétisation" du monde (et même s'il lui donne un millénaire...) me paraissent assez vains. Il faut lire "La bourde ou la fixation hallucinée" ici http://www.avantgardesensualiste.com/jourde2010.htm ou dans le numéro 87 de la revue L'Infini http://livre.fnac.com/a1550782/Collectif-L-Infini?Fr=0&To=0&Nu=2&from=1&... qui, contrairement à ce que prétend Pierre Jourde, n'est jamais insultant - et certainement pas pour la femme du "critique" - qui, lui, il est vrai, s'y voit qualifier, entre autres choses, de "foutriquet-se-rêvant-polémiste" (ce qui est plus drôle que "foutriquet") et de stagiaire, vraisemblablement parce que Vaudey n'imaginait pas qu'un "spécialiste universitaire" du XIXe siècle pût ignorer Mallarmé à ce point, comme j'ai moi-même du mal à croire qu'il n'ait pas reconnu Rimbaud dans "l'inventeur bien autrement méritant... de la clé de l'amour". "La Bourde" est un texte lyrique et ombrageux. On peut même dire que c'est du brutal. Et, si j'ai connu une polonaise qui le lisait au petit déjeuner, il faut quand même admettre que c'est plutôt une prose d'homme. Mais c'est aussi une espèce de drôlerie qui agrémente intelligemment les soirées entre amis. Pierre Jourde en a commis quelques-unes; également. Le Manifeste sensualiste, lui, n'est pas le livre de tout le monde : il faut en avoir l'usage sans ça, au prix actuel, on l'amortit pas. (Enfin, certains prétendent que le prix s'oublie mais que le génie reste...) Bonnes vacances, donc. » * Vous devez vous identifier ou créer un compte pour écrire des commentaires * flag this Fermer Le Commentaire . . .. Par Cécile C (Universitaire) 12H57 29/07/2010 Cher M. Jourde, Vous êtes Cher M. Jourde, . (Suivait, ici, un texte en réponse à l'article de P. Jourde, texte qui ne concerne pas nos échanges avec celui-ci ; seul le post-scriptum, que nous avons gardé, nous interpellait directement.). Bien cordialement, CC PS : Châteaubriand : une "prose d'hommes" ???! Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre... Enfin si vous pouvez m'expliquer le sens de cette expression (et sans me dire que oui, bon, le féminisme bon teint de la pensée dominante ça va cinq minutes etc., bien entendu), je serai heureuse de savoir exactement ce que vous vouliez dire ! » * Vous devez vous identifier ou créer un compte pour écrire des commentaires * flag this Fermer Le Commentaire Par Chateaubriand 03H18 30/07/2010 Chère Cécile C, J'avais Chère Cécile C, J'avais souhaité de bonnes vacances à Pierre Jourde et aux lecteurs de son blog que je ne connaissais pas et sur lequel je ne me serais pas invité s'il n'avait cru devoir faire une allusion ironique au Manifeste sensualiste, il y a peu de temps de cela, à l'occasion de sa polémique avec une certaine WRATH - allusion qui m'est revenue grâce à notre « ami » Google auquel rien n'échappe - et je ne pensais pas devoir sortir de nouveau de ma « réserve » naturelle et heureuse pour reparaître en ces lieux mais, puisque vous m'interpellez directement, je me dois de vous répondre, d'autant que cette réponse va vous éviter un ridicule et nous éviter un malentendu. Que n'avait Pierre Jourde, en 2002, à l'époque de la critique du Manifeste sensualiste, un tel usage d'Internet et un pareil blog : il se serait évité lui aussi un ridicule et un malentendu ! Ardent défenseur des sensualistes et de R.C. Vaudey, et bon connaisseur de leur revue ainsi que de l'univers théorico-poétique auquel ils font référence, il me semble en effet, après avoir parcouru ce blog et découvert un peu son auteur, que toute cette histoire entre Vaudey et Jourde est partie d'un malentendu et, aussi, il faut bien l'admettre, d'un « malentendant » (Pierre Jourde) qui n'a pas entendu les détournements « des publicités des parfumeurs » - auxquelles faisait pourtant déjà allusion Mallarmé dont il est censé être un bon connaisseur -, qui n'a pas senti tous les jeux qu'autorise bien évidemment le genre du manifeste - jeux dont le Manifeste sensualiste est tissé - et qui, d'ailleurs, n'a pas davantage reconnu Rimbaud (voir mon post ci-dessus) dans le texte intitulé « La bourde ou la fixation hallucinée », bref qui a manqué d'humour tout en ratant le sens profond du texte que d'autres critiques (qui sont cités sur le site avantgardesensualiste.com) n'ont pas manqué, vraisemblablement parce qu'ils n'étaient pas aveuglés par la même fixation que Jourde a vis-à-vis de Sollers, l'éditeur du livre en question. Il y a bien sûr une opposition de caractère entre Jourde et Vaudey : l'un doute de tout et surtout de lui-même, il l'avoue d'ailleurs sans fausse pudeur sur ce blog ; l'autre ne doute de rien, s'attend à tout, et il l'a fait écrire sur la quatrième de couverture de son livre. Il y a aussi des oppositions d'états dans le monde : quoique partis tous deux du Temps perdu, ils ont écrit leurs existences tout à fait différemment ; l'un a été un temps communiste (à une époque où l'on disait « stal ») et puis il a suivi une honnête mais modeste carrière de fonctionnaire dans l'Éducation nationale ; l'autre parle des « pro-situationnistes » (et de l'époque où l'on disait « pro-situ ») et on sent qu'il a dû l'être à 20 ans, et, pour le reste, l'on ne sait pas trop s'il a toujours suivi des voies honnêtes mais on est sûr qu'elles ont été et sont toujours très immodestes. Enfin, le premier traite du monde tel qu'il va et que peuvent le connaître (dans leurs histoires familiales, conjugales, professionnelles etc.) ses lecteurs, quand le second, qui se voit comme un anti -Sade (ou plutôt, devrais-je dire, comme un Antésade puisque l'on avait déjà l'Antéchrist, avec Nietzsche auquel il fait souvent référence) ne fait allusion qu'à, je le cite, un « monde post-idolâtres, post-économiste et post-analytique » où les hommes et les femmes pourraient connaître « l'amour, la poésie et l'égalité des amants », « la jouissance puissante et paisible de l'amour et du Temps », « l'accord des délicatesses et des puissances réciproques et partagées », « l'extase harmonique » et la « jouissance post-orgastique », dont on se demande bien d'où il tient ce qu'il en sait, que ses lecteurs, eux, ne semblent pas vouloir connaître, lecteurs que, dans le même temps, il se flatte de ne pas avoir et semble même douter désirer (« Ayant longtemps hésité sur la nécessité d'apparaître ou non etc. » dans le Manifeste.). Ces quelques petites divergences écartées, je ne suis pas certain que Pierre Jourde, s'il avait reconnu et compris le propos des sensualistes, se serait attaqué à un styliste comme R.C. Vaudey puisque l'un et l'autre, je crois, défendent le style, qui varie bien sûr en fonction des genres que l'on utilise (manifeste, pamphlet, poème, roman etc.), et aussi parce que, dans une époque où la guerre des sexes fait rage comme jamais et dans laquelle les femmes meurent sous les coups de leur mari ou de leurs amants pendant que les maris ou les amants sont poussés au crime, à l'alcoolisme ou à la folie par la misère du monde dans laquelle il faut bien entendre aussi celle des femmes, vous me l'accorderez, je pense que Jourde se serait trouvé d'autres ennemis que des poètes qui tentent de vivre, et qui défendent, le dépassement de cette guerre des sexes. Je crois que s'il avait compris cela, à l'époque, il se serait trouvé de véritables malfaisants, et je pense même qu'il les a trouvés depuis. Et c'est cela qui me ramène, après ce long détour, à votre propos et à cette sorte d'indignation que j'ai sentie chez vous, provoquée par mon expression « c'est une prose d'homme » (sans « s » car il n'y en a pas dans le texte d'Audiard) : que vous ayez pu me croire, moi, ardent partisan des sensualistes et de leurs thèses, véritable sectateur de ce « dépassement de la guerre des sexes dans et par la rencontre émue des sexes opposés dans la jouissance des ardeurs et des puissances réciproques et partagées », moi, farouche défenseur de cette grâce suprême que représente dans l'univers « l'extase harmonique », et ne voulant véritablement connaître qu'elle, que vous ayez pu me penser un instant l'auteur des dernières lignes de mon billet et de son méchant style, voilà ce qui m'attriste. Heureusement que je ne suis pas auteur et que vous n'êtes pas critique car nous aurions rejoué l'histoire de Vaudey et de Jourde : vous auriez fait une critique ironique de celui qui prétend aimer l'amour et les femmes, et qui utilise des expressions machistes et datées, et je vous aurais assassinée en vous ridiculisant pour n'avoir pas reconnu dans le texte de mon post (à partir de « on peut dire que c'est du brutal » jusqu'à la fin.) le texte du film : « Les tontons flingueurs » écrit par Audiard que j'ai détourné, volontairement, pour finir la polémique avec Pierre Jourde (en « tonton flingueur » « flinguant », sans méchanceté, celui que la presse, et il ne s'en est pas défendu, a souvent présenté comme tel : saisissez dans Google par exemple : Jourde tonton flingueur, et vous comprendrez ce que je veux dire). Mais, bien entendu, personne ne vous reprochera de ne pas connaître une pareille littérature, et c'est plutôt moi qui dois m'excuser d'avoir en quelque sorte abaissé le niveau des échanges de ce blog en y faisant référence. J'avais simplement voulu conclure, à l'inverse de Vaudey, en détournant un texte que j'étais sûr que Jourde, lui, reconnaîtrait, et d'une façon telle qu'il ne pourrait que l'apprécier, en connaisseur, et je n'ai réussi qu'à vous blesser ; si peu que ce fût, je m'en excuse. Vous trouverez facilement le texte des « Tontons flingueurs » sur Internet. Vous retrouverez facilement les dernières lignes de mon post dans ce texte, et peut-être la façon dont je l'ai détourné vous amusera-t-elle, même si l'explication que vous m'avez en quelque sorte forcé à donner gâche beaucoup l'affaire. On pourrait m'accuser, si l'on manquait d'humour, de cautionner malgré tout, et par ce genre de détournement, ce genre de propos tenus dans ce film. Ce serait me faire un mauvais procès. Pour savoir ce que je pense, je ne peux que vous renvoyer ici http://www.avantgardesensualiste.com/jourde2010.htm ou au numéro 87 de la revue L'Infini http://livre.fnac.com/a1550782/Collectif-L-Infini?Fr=0&To=0&Nu=2&from=1&... au Manifeste des sensualistes et à leurs autres textes qui me plaisent tant parce qu'ils font désirer de vivre cette sorte d'expérience de l'amour et du « Temps » qui vous autorise à écrire de telles choses, pour ainsi dire aussi follement. Qui vous font souhaiter enfin, comme aurait dit André Breton, d'être « follement aimé ». C'est ce que vous m'autoriserez, pour finir mais bien sincèrement, à vous souhaiter. Bonnes vacances, donc. Chateaubriand. » * Vous devez vous identifier ou créer un compte pour écrire des commentaires * flag this Fermer Le Commentaire
La bourde de Jourde (Pierre) ou
la fixation hallucinée. (octobre 2002)
Vaudey, dans la suite du Manifeste
Sensualiste et des critiques parues dans la presse, avait fait, en octobre
2002, en réponse à ces différents articles, quelques textes réunis sous le
titre de : "Précisions sensualistes". Préçisions sensualistes.
Quand nous sommes très forts, – qui
recule ? très gais, – qui tombe de ridicule ? Quand nous sommes très
méchants. – que ferait-on de nous ? Parez-vous, dansez, riez – Je ne pourrai
jamais envoyer l'Amour par la fenêtre." Nous avons découvert en septembre –-
tard donc, mais c'est sans doute là l'effet de l'indolence légendaire des
sensualistes -– grâce au service de presse de Gallimard, l’extravagant
article qu'un des pigistes de la "Quinzaine littéraire" a consacré
au Manifeste Sensualiste, en juillet 2002. Reprendre l'or aux usurpateurs, le partager, s'amuser d'un jobard ou d'une gourde, ou l'inverse, explorer des routes, éclairer ceux qui ne sont pas morts, éduquer au passage des éducateurs, tout en allant au jour le jour, en marge du conformisme social et de la respectabilité, c'est ce qu'on appelle, après Trelawney et son ami Shelley, mais aussi après De Quincey, vivre en gentilhomme de fortune. Pour lui éviter le ridicule de ne pas
reconnaître le jeu du poème-collage, quatre-vingts ans après son utilisation
par Breton dans ce même genre du manifeste, il eût fallu sans doute conserver
la typographie d'origine de ces réclames retournées à leur sens premier :
mais il n'est pas certain que ce remplaçant-pendant-les-vacances eût alors
survécu à tant d'avant-gardisme. Eclater ou jouir Ceux que le plaisir et la jouissance et
leurs raffinements terrorisent tant (ou énervent, dépriment, ou font
doucement rigoler : c'est la même chose) sont justement ceux qui (dans le
dégoût ou le sport sexuels, les affaires, le pouvoir, le militantisme, la
famille, les carrières, la consommation, les religions, la guerre, bref les
compulsions, etc.) sentent tant la mort, dont ils savent, au fond, qu'elle
les a déjà saisis.
Fin de partie.
JEUNES
GENS, JEUNES FILLES
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